Ciel, une comète dans mon horoscope !
Tes histoires de comète sont stupides !
Élisabeth Teissier a un faible pour les petits corps inconnus du grand public. Elle annonçait, en 2004, sur son site : « Votre horoscope 2004 est une année rare, où Jupiter, synonyme de joie de vivre et de prospérité, s’alliera harmonieusement à Chiron, cette nouvelle planète qui symbolise la guérison et la quête spirituelle. » Depuis, est restée sur cette page web une rubrique appelée « Dans quel signe se trouvait Chiron lors de votre naissance. »
Chiron : que vient faire ce nom abscons à côté de ceux des planètes ? Les amateurs d’horoscopes « à la Teissier » s’ennuyaient-ils tant de cette ronde monotone de planètes autour de leur naissance, que l’astrologue éprouva le besoin de relancer l’intérêt par une accroche ? Apporter un peu de variété à une affaire qui risquait de s’étioler à force de rabâchage était sans doute un bon plan. Car Chiron n’est pas familier du grand public, même si l’astrologie l’utilise ponctuellement. L’inscrire dans le titre de son livre de prédictions pour 2004, aux côtés de Jupiter, et le présenter comme « nouvelle planète » était destiné à attirer la curiosité, ne serait-ce que par association d’idée avec une découverte astronomique. Le lecteur, intrigué, irait automatiquement voir entre ses pages ce qu’il en était.
Alors partons nous aussi à la découverte de Chiron, mais entre les pages d’un dictionnaire[1]. Chiron, d’environ 180 km de diamètre, fut découvert en 1977 par l’américain Charles Kowal. À l’époque il fut classé comme astéroïde, car doté d’une orbite très allongée, d’une période de révolution sidérale de 50 ans environ, évoluant entre Saturne et Uranus. Les astronomes amateurs appellent quelquefois familièrement « petites planètes » des astéroïdes présentant une grande taille et visibles dans des instruments modestes (pourvu que leur position par rapport à la Terre le permette). C’est ainsi que l’on peut voir ces « cailloux » de l’espace, comme Cérès ou Vesta, dans des jumelles de bonne qualité. Mais ces astéroïdes font respectivement 1000 et 600 km de diamètre, et orbitent entre Mars et Jupiter.
Chiron, lui, est de trop petite taille et se situe trop loin pour être accessible aux amateurs. Serait-ce suffisant pour lui réfuter l’appellation de « petite planète » ? Sans doute non, car Chiron a aussi la particularité d’être presque sphérique, ce qui fait de lui un postulant raisonnable au statut de « planète », bien que ce ne soit pas suffisant. En fait Chiron ne peut pas être une planète, tout simplement parce qu’il a également été répertorié comme… comète ! Les astronomes lui ont en effet découvert, en 1989, une chevelure qui se déploie modestement lors de son approche de son périhélie (point de son orbite le plus proche du Soleil).
Élisabeth Teissier n’ignore rien de ces caractéristiques. Mais elle n’en a cure. Ce qu’il lui faut, c’est un terme dont la définition oscille au gré des découvertes. Cette stratégie lui permet deux choses : par l’expression « nouvelle planète », elle donne de l’importance à Chiron, l’apparentant aux découvertes récentes de planètes (extrasolaires). Et par l’apport d’une nouveauté, elle tente de diversifier une activité répétitive et creuse.
Notre astrologue conclut sur Chiron en affirmant : « Vu le caractère récent de cette découverte, la symbolique de Chiron reste un objet d’étude approfondie et méthodique » Mais se pencher sur un caillou pendant 26 ans pour lui faire dire qu’il « symbolise la guérison », qu’est-ce d’autre que de l’incapacité affichée ?
[1] Renseignements pris dans : Philippe de la Cotardière et Jean-Pierre Penot, Dictionnaire de l’Astronomie et de l’Espace, Larousse, 1999.
Article paru dans Science et pseudo-sciences de décembre 2003, mis à jour pour ce blog le 15 juin 2007.
Illustration de José Tricot, dessinateur pour l'AFIS