La lettre de Guy Môquet en ouverture des classes
Nicolas Sarkozy vient de l’annoncer : il fera lire la lettre de Guy Môquet lors de chaque rentrée scolaire des lycéens et lycéennes. Guy Môquet est ce jeune lycéen résistant de 17 ans fusillé en 1941 avec 26 autres, en représailles de l’assassinat d’un officier allemand. Il avait écrit une lettre poignante à ses parents avant son exécution. C’est cette lettre que devront entendre les lycéens en début d’année scolaire.
Guy Môquet est un martyr et ses parents l’ont aussi été. Mais devant nos lycéens, sa lettre ne traduira pas seulement la souffrance, l’injustice, la barbarie. Dans son contexte initial, elle est héroïque, utile, et infiniment bouleversante, mais dans le contexte d’une rentrée des classes, quel type de message va-t-elle transmettre à nos jeunes ? En l’occurrence, le culte du sacrifice, d’abord pour sa patrie, puis pour sa famille. Les lycéens ne vont pas seulement pleurer dans leurs mouchoirs, ils vont apprendre à bien se tenir, à admirer un modèle d’amour filial, à ne pas protester, à se trouver heureux en écoutant les malheurs de leurs prédécesseurs, à apprécier ce qu’on leur donne, et par conséquence ils vont apprendre à obéir. Enfin ! L’autorité doit revenir, disait-il. Puisque septembre est la période des résolutions, les lycéens devront dès le premier jour écouter le message délivré : patrie, famille… et sans jérémiade. Je déplore ce type d’éducation à coups de mesures autoritaires et de retours en arrière.
Pour autant je ne suis pas contre la lecture d’une telle lettre, bien au contraire ! Dans un enseignement d’histoire ou de citoyenneté, elle prendrait grandeur et force, son authenticité serait préservée puisque non sortie de son cadre. Et là, au cœur d’un cours avec leur professeurs, avec toute l’émotion que pourrait provoquer la proximité de ce jeune héros qui devait bien leur ressembler, il serait donné aux lycéens l’occasion de lier le passé au présent, sous forme d’analyses, d’études, de débats, et non pas comme une propagande.