Marseillaise sanguinaire contre Ode à la joie

Publié le par Agnès Lenoire

Deux événements ont marqué ces derniers jours et sont totalement antagonistes  : l’anniversaire du traité de Rome, qui a impulsé l’Europe, et les appels au nationalisme de deux candidats à la présidentielle. Le ministère de l'identité nationale et de l’immigration suggéré par Sarkozy et le drapeau français dans chaque foyer suggéré par Royal sont en effet de drôles de symboles européens. Face au reproche incessant que les français ne savent pas être européens, et sont même en train de la bousiller, les candidats ne savent que nous enjoindre à adopter des conduites idéologiques de nationalisme et de communautarisme. Je doute que ces comportements nous poussent à l’amour de l’Europe et à «  nous penser européens ».

Le plus grave est que l’un des symboles de la Nation est une chanson sanguinaire, et que cette chanson sanguinaire, nous devrions la chanter dans les écoles ! Nous savons tous que la répétition par cœur de paroles peut influencer les esprits. N’est-ce-pas ainsi que fonctionnent les dictatures, par des chants ou des slogans guerriers maintes fois martelés ? N’est-ce-pas ainsi que fonctionnent les religions, avec des prières et des litanies marmonnées  sans compréhension, mais avec conviction ? N'est-ce pas ainsi que fonctionnent aussi la publicité et quelques-uns de ses messages qui entrent dans nos têtes malgré nous ? Comment espérer que l’apprentissage de la Marseillaise fonctionne autrement dans l’esprit des enfants ? Comment, devant une classe, ne pas avoir honte, même si c'est avec des explications, de réitérer des appels à la guerre et au racisme ?  Si j’étais enseignante en classe élémentaire, je ferais analyser cette Marseillaise  avec esprit critique, avec un décryptage humain et citoyen, puis je leur demanderai d’inventer d’autres paroles, qui ne seraient ni  racistes et haineuses, mais porteuses d’un désir de « savoir-vivre ensemble ». Je suis certaine que des enfants auraient des idées géniales et certaine aussi que des instituteurs ont déjà mené ce travail. À défaut de créer un autre texte à la Marseillaise, on peut aussi étudier et faire apprendre le magnifique texte de L’ode à la joie, hymne européen (texte ci-dessous), même si la référence finale au "tendre père" doit être éliminée dans un souci de laïcité.  Le savoir vivre ensemble qu’il nous enseigne serait un des remparts à dresser devant le nationalisme et les communautarismes. L’éducation civique et citoyenne a toute sa place dans les écoles  et fait partie des programmes. Mais je doute qu’il faille la faire passer par des sangs dits impurs.


Ode à la joie

Mes frères, cessons nos plaintes !
Qu'un cri joyeux élève aux cieux nos chants de fêtes et nos accords pieux !

Joie ! Joie ! Fille de l'Elysée,
Flamme prise au front des dieux,
Nous entrons l'âme enivrée
Dans ton temple glorieux.
Ton magique attrait resserre
Quand la mode en vain détruit;
L'homme est pour tout homme un frère
Où ton aile nous conduit.

Si le ciel comblant ton âme,
D'un ami t'a fait l'ami,
S'il te donne un cœur de femme,
Suis nos pas au seuil béni !
Viens, si tu n'aimas qu'une heure
Qu'un seul être sous les cieux !
Vous que nul amour n'effleure,
En pleurant, fuyez ces lieux !

 

 

Bois la joie au bruit des chants,
Tous, de roses, sa parure,
Ont leur part,
Bons et méchants.
Elle a tout : raisins qu'on presse,
Sûrs amis, baisers de feu,
Donne au ver rampant l'ivresse,
Et le chérubin voit Dieu.

 

 

Fiers, tels les soleils d'or volent
Sur le plan vermeil des cieux,
Faites, frères, votre voie :
Gais, tels vont combattre
Les héros emplis de gloire !

 

 

Qu'ils s'enlacent tous les êtres !
Un baiser au monde entier !
Frères, au plus haut des cieux
Doit régner un tendre père.
Tous les êtres se prosternent ?
Pressens-tu ce père, Monde'
Cherche alors le Créateur
Au-dessus des cieux d'étoiles !

Publié dans Éducation

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D
je viens de lire votre article sur la marseillaise, je partage votre point de vue, je revendique le droit d'aimer la France sans aimer la Marseillaise.  c'est vraiment un chant affreux !<br /> je ne suis pas certain de vouloir en proposer un autre, je me méfie de façon générale de tout ce qui contribue à ce genre d'enthousiasme collectif, peut etre suis je un individualiste forcené<br /> amitiés<br /> didier
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O
A mon avis ce ne sont pas des chansons pareilles qui peuvent émouvoir des moins de  35/45 (?) aujourd'hui. Faudrait en créer une autre liée à la vie, nos valeurs et d'aspirations d'aujourd'hui, et en langage moderne !Pourquoi pas laisser l'ancienne pour tous ceux qui veulent ? Faut arreter de parler de révolutions un peu, car ça peut être franchement dangereux
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E
Etrange attitude que celle qui vise à dévaloriser notre hymne national, signant une partie importante de l'histoire de notre pays, au prétexte qu'il serait une "chanson sanguinaire" ! Vous commettez ici la faute majeure en  histoire, soit celle de l'anachronisme, qui consiste à juger le passé à l'aune des critères du présent. En outre, votre critique repose sur une incompréhension du chant révolutionnaire : en effet,  le "sang impur", qui cause tant de soucis aux bien-pensants dont vous êtes, apparemment, ne renvoie pas à une opposition entre le sang des Français et celui des autres peuples, mais à la différence entre la noblesse et le reste de la population. En d'autres termes, le "sang impur", sous la période révolutionnaire, désignait non pas celui d'hypothétiques ennemis considérés comme inférieurs dans une logique raciste, mais celui des gens du peuple, prêts à se sacrifier pour la patrie. Quant à l'Europe, que les technocrates bruxellois nous lâchent un peu la bride : l'Europe politique (ce que De Gaulle avait déjà compris en son temps) n'existe pas et n'est pas prête d'exister, pas tant que les peuples - ces horribles défenseurs d'identités nationales - ne seront pas réellement consultés pour la construction de ladite Europe.
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G
Chère Agnès, tu as largement raison. Il faut toutefois préciser que l'hymne en question, s'il est sanguinaire à souhait, n'est pas raciste. En 1792 le racisme n'avait pas besoin de s'exprimer, il était admis par tous et ne concernait que les Noirs, or les "farouches soldats" étaient blancs!
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