Spiritualité et pain bénit
Sur le site « nouvel Obs.com en temps réel », une dépêche de l’Associated Press se fait l’écho d’expériences visant à démontrer l’existence de Dieu dans le cerveau. Le docteur Andrew Newberg, de l’Université de Pennsylvanie, utilise l’imagerie cérébrale afin d’étudier « la spiritualité du côté cérébral ».
Je ne conteste pas l’intérêt d’une telle recherche, dans le sens où il est intéressant, voire indispensable, de localiser les fonctions de notre cerveau, et mieux comprendre son fonctionnement. Mais l’étude semble étrangement connotée : Dieu est partout, présent, renouvelé, réaffirmé.
D’abord voyez un peu le titre de l’article (mais là c’est sans doute le journaliste qui est en cause) : « Dieu existe-t-il hors de l’esprit humain ou est-il une création de notre cerveau ? »
Comment peut-on poser une telle question ? Que vous croyiez en un Dieu extérieur à nous, ou que vous n’y croyiez pas, de toute façon vous ne l’avez jamais vu, donc il demeure depuis toujours une représentation mentale pour tous. Par conséquent, à l’intérieur du cerveau et nulle part ailleurs ! La seule utilité de visualiser le cerveau est de savoir ce qui s’y passe et où, non de prouver une existence divine impossible à démontrer.
Ensuite, vous aurez droit à la formule classique un peu usée : « Toute la spiritualité et la croyance ne relèvent pas de la foi religieuse. » On s’en doute, n’est-ce pas, mais cela est devenu une obsession de rappeler au quidam qu’il n’est pas entièrement fait de chair et d’os. Quelque part dans nos neurones, la spiritualité veille. Précaution prise juste pour le cas où de monstrueux matérialistes oseraient réapparaître ! Mais où les athées trouvent-ils leur spiritualité alors ? L’article nous explique que les bienfaits de la foi religieuse peuvent être issus de « l’expression artistique, la méditation non religieuse, la contemplation d’un beau coucher de soleil ou encore l’écoute de musique émouvante ». Et de citer dans la foulée Newberg : « Les athées possèdent aussi un système de croyance » Alors là, matérialistes et athées, insurgez-vous avec moi de ce galvaudage ! Que nous ayons des croyances, sans doute, on ne peut jurer de rien, surtout si on rapproche les croyances de notre système de convictions. Mais ici, il est question d’émotions artistiques, et tout de go, ces émotions sont assimilées à un système de croyances. Un tel amalgame, grossier et faux, ne doit pas nous laisser indifférents. Le matérialiste est porteur des mêmes émotions universelles que tout un chacun, mais ces émotions sont différentes des croyances. L’objectif de l’article semble bien de vouloir fondre tout le monde dans la même spiritualité unique.
Ensuite l’expérience d’imagerie cérébrale a concerné un groupe de Pentecôtistes « doués de glossolalie, capacité de parler des langues étrangères que l’on a jamais apprises » pendant leur activité de glossolalie, puis pendant un chant de gospel. Tout de suite, on sursaute à la présentation des Pentecôtistes. Ils seraient réellement doués ! Leur glossolalie est présentée comme un fait non contesté, ni même mis en doute. Pourtant, s’il s’agit bien de parler une langue inconnue de soi, cela s’appelle un miracle, donc sans valeur scientifique, impossible à tester. Il aurait fallu savoir avant l’expérience si ces gens avaient appris par cœur un texte en langue étrangère ou s’ils cachaient un apprentissage ancien. Sinon, en quoi l’étude de religieux qui ne sont que des mystificateurs a-t-elle un intérêt ? J’ajouterai qu’il existe plusieurs définitions de la glossolalie : selon Le Petit Robert, il s’agit d’un « charisme se manifestant par un don surnaturel des langues » (donc bien un miracle) mais aussi un « langage personnel utilisé par certains psychopathes ou dans un but ludique, constitué de néologismes organisés selon une syntaxe rudimentaire ». Selon Wikipédia il s’agit de la « langue des anges, c'est-à-dire un parler mystérieux pour les hommes, que seul Dieu peut comprendre (glossolalie vraie) » Donc une langue imaginaire. Pour être rigoureuse, l’étude aurait dû inclure des psychopathes usant de glossolalie, mais aussi des enfants en création de mots inventés (les écoles maternelles le font), et des pratiquants de cette langue imaginée, la glossolalie vraie.
La conclusion de l’étude est que le centre du langage est moins actif en glossolalie qu’en chant de gospel. À aucun moment la glossolalie n’est définie ni analysée en tant que mystification éventuelle (parler un texte en langue étrangère appris par cœur), jeu, ou fait psychiatrique (langage personnel inventé). Les pistes de recherche seraient alors différentes, moins axées sur la foi religieuse. Mais le but de ces études est surtout de remettre les matérialistes dans le droit chemin des valeurs spirituelles, en montrant qu’on ne peut y échapper puisqu’elles se logent dans le cerveau.
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