L Atlas de la création et ses arguments
Le Figaro et l’Express l’ont annoncé dans leur édition du 2 février 2007, le ministère de l’Éducation nationale l’a confirmé, un certain « Atlas de la création » a bien été envoyé dans plusieurs centaines d’établissements scolaires, en dix mille exemplaires. Cet ouvrage richement illustré vise à installer la croyance en la création, à l’aide du plus vieil argument religieux qui soit : les merveilles et la grandeur de la nature … qui à elles seules démontrent la création ! Les photos séduisent, le texte trompe par sa méconnaissance de la théorie de l’évolution. Le ministère a demandé aux établissements qui l'ont reçu de ne pas diffuser l'ouvrage auprès des élèves.
L’auteur porte le pseudo de Harun Yahya, et diffuse aussi sa doctrine sur le web. Sur son site internet « Le mensonge de l’évolution », il réfute le darwinisme en arguant qu’il n’a pas fait ses preuves. Mais en parcourant ses pages, vous vous apercevrez vite que nulle part il ne mentionne la sélection naturelle. Parler de darwinisme sans parler de sélection naturelle, c’est faire tomber la théorie. Car c’est bien la sélection naturelle qui est LE mécanisme d’évolution à l’œuvre dans la théorie, réaménagé et décliné depuis Darwin, mais toujours bien central. Sans ce mécanisme, il était en effet facile à l’auteur de laisser inexpliqués des pans entiers de la nature.
Autre argument avancé contre le darwinisme : il favorise les comportements de conflit. D’après Harun Yahya, il est même la cause des attentats du 11 septembre, car « le darwinisme est la seule philosophie qui valorise et donc encourage le conflit ». Cette accusation nous paraît choquante. Mais n’oublions pas que ce fut un argument religieux prépondérant lors de la parution de L’origine des espèces en 1859. Les chrétiens en effet y voyaient un mécanisme dur (la sélection naturelle et la loi du plus fort) et réfutaient cette discrimination naturelle, parce qu’elle attribuait un destin dramatique aux plus faibles. Leurs raisons, si elles n’étaient pas scientifiques, étaient humainement louables. Depuis le XIX e siècle, la théorie s’est affinée. On sait désormais que la sélection joue aussi sur les registres de la coopération et de l’adaptation. Registres qui dédouanent la théorie de son aspect « loi du plus fort ». L’argumentation de Yahya est d’une grande pauvreté : sa connaissance de Darwin est pleine de lacunes et il aurait bien besoin de réactualiser ses connaissances.
Reste que si la doctrine de Yahya est facile à démonter, elle fait peur par la puissance de ses actions. Les moyens financiers déployés pour une opération de ce type au niveau national posent la question de l’origine de cette entreprise.