Les mythes de la Lune : féminité, fécondité, versatilité.

Publié le par Agnès Lenoire




Au XXVII ° siècle, l’influence de l’astrologie est encore grande, et Riccioli, auteur d’une carte révolutionnaire de la Lune, nomme les « mers » lunaires par des noms issus du vocabulaire émotif.
 










L’astrologie va s’emparer de cette dénomination et la développer pour la faire coller à ses dogmes.  L’idée est que le vocabulaire s’applique aux cultures de la terre, et aux valeurs féminines, toutes liées par un point commun : la fécondité. On le retrouve aujourd’hui dans les divers manuels de jardinage « avec la lune ». Ce dogme prétend que, au premier quartier, tout est positif. C’est donc la période de tout ce qui s’élance vers le ciel et correspond à la reniassance printanier: il faut s’occuper des fleurs, des arbres. Le second quartier est celui de du négatif : il faut à cette période s’occuper des bulbes, des racines. C’est l’époque de l’enfoncement du vivant au cœur de la terre.

 

Alors que l’astrologie ancienne était affaire d’initiés qui s’occupaient de prévoir les événements politiques et travaillaient pour les souverains, je pense que la véritable démocratisation de l’astrologie, et sa pénétration chez les « petites gens » a eu besoin d’un vecteur populaire. Ce vecteur, ce fut le colportage, cette méthode de commerce de proximité. Le besoin de connaître les meilleurs moments pour l’agriculture et les moissons s’est alors conjugué au besoin d’anticiper, de connaître l’avenir. On situe le début du colportage, cette diffusion de petits livres d'images dans les campagnes par les colporteurs de librairies, au XVX e siècle. D’où vient le mot « almanach » ? Peut-être de l’arabe : « manach » signifie en effet « compte » ou saxonne : « almoneed » renvoie à une pratique de décompte des lunaisons, ou bien encore il serait un terme syriaque qui veut dire « l’année prochaine ». Comme on le voit, quelle que soit son origine, il est centré sur le découpage du temps. Il propose donc des calendriers. Il existait déjà chez les chinois, les égyptiens, les grecs, bien avant l’imprimerie. À partir du XVIIé siècle, l’almanach devient véritablement le manuel populaire par excellence, très prisé par le peuple. Le contenu est basé sur l’alternance des saisons (d’où le lien fort entre Lune et cultures), mais aussi la météo, les prévisions météorologiques, astro-météorologiques, où la Lune, mais aussi parfois le soleil, exercent une influence prépondérante.

 

Puisque  les astres ont une influence sur la vie végétale, puisqu’ils commandent le rythme des travaux saisonniers à la campagne, il est admis à l’époque dans l’esprit des campagnards que ces mêmes astres guident aussi la vie animale et humaine. Les paysans sont donc friands de ces almanachs qui semblent leur donner une clé pour anticiper l’avenir.

Mais en 1852, une commission d’examen  est créée afin d’arrêter la diffusion de ces livres qu’on appelle « littérature bleue » et qui exerce une grande influence, trop d’influence, sur les populations. Cette commission parviendra à interdire la plupart des almanachs diffusés par colportage. C’est le XXe siècle qui a vu sa renaissance.

 

L’almanach a diffusé efficacement en France profonde, dans les chemins creux, les fermes et les champs. Qui s’occupera de diffuser la pensée astrologique en ville ? La presse féminine ! Les femmes sont responsables du bien être de leur famille, de la santé, de la qualité de l’alimentation, ainsi que des liens familiaux qu’elles entretiennent entre tous les membres. Les magazines féminins vont donc leur servir les centres d’intérêt  qui doivent être les leurs dans notre société: la santé en surveillant  la nouvelle ou la pleine Lune, la beauté en plaçant notre bonne mine sous les auspices de la lumière lunaire, les produits du jardin cultivés en suivant la Lune montante ou descendante, le lien entre la Lune et les humeurs des femmes.

C’est ainsi que la revue Top santé d’août 1992 titre « Votre beauté signe par signe » puis récidive en 1993 avec une apologie de l’astrologie médicale. La revue Marie-Claire de janvier 1994 propose quant à elle un horoscope lunaire axé sur la femme « comme il faut », un horoscope séduisant parce que bucolique, et s’attachant les femmes par  la validation dans leur vie quotidienne (lessive, jardinage, coiffure). 
À savourer : « Elle peut être de miel, rousse ou en croissant. Elle veille sur les amoureux, et sur nos insomnies quand elle est pleine. Depuis la nuit des temps, la croyance populaire lui attribue des qualités que la science continue de ne pas reconnaître. Et pourtant, qui règne sur les marées et influence l’humeur des chats ? Qui blanchit le linge mis à sécher sur le pré ? Qui fait bouger la croûte terrestre et régule la pousse des cheveux et des plantes ? C’est la lune, sans aucun doute ! Sans oublier son rôle en astrologie, comme nous le montre, de la page 134  141, l’horoscope lunaire de 1994. Vingt-cinq ans après avoir posé le pied sur l’astre nocturne, il est grand temps de ne plus l’éclipser et de partir, enfin,  sa découverte. »

 

 

La Lune scande le temps humain, non seulement par ses changements de phases, mais aussi par son analogie avec le cycle féminin. Cette analogie est toute approximative puisque le cycle féminin peut osciller autour de 30 jours; elle   est pourtant largement exploitée par l’astrologie encore de nos jours, et a forgé la croyance que les femmes sont des êtres essentiellement lunaires, et conséquence directe, lunatiques, fantasques.

Le magazine féminin, grand promoteur de la pensée astrologique, même s'il reste le chef de file, est à présent supplanté par le web, qui regorge de sites astrologiques.

Publié dans La Lune et nous

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V
J’adore vraiment ce que vous faites, bravo !!! Merci bien de partager avec nous cet article.
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J
Agnès tu avais déniché un magazine féminin sans horiscopes. Existe-t-il encore, et si oui quel est le titre?
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