Les mythes de la Lune
Samedi 16 mai, j'ai eu l'honneur d'être invitée chez les zététiticiens du Languedoc-Roussillon. Mais qui sont ces gens au drôle de nom, me direz-vous ? Voici la définition qu'ils donnent de leur art sur leur site :
"La Zététique se présente comme une méthode de recherche fondée sur le doute et la vérification des informations ; Emile Littré en donne une définition claire : « méthode dont on se sert pour pénétrer la raison des choses ».
Enseignée dès l'Antiquité, elle est une attitude scientifique, fondée sur le refus de toute affirmation dogmatique, et qui emprunte aux Anciens Grecs leur posture « sceptique » : dans la ligne droite du mot skepticos (« qui considère », « qui examine ») la Zététique préfère suspendre son jugement à l’endroit où la connaissance fait défaut et se donner les moyens d’en savoir plus que de croire n’importe quoi. Aujourd’hui, les Zététiciens mettent en place des approches rigoureuses et scientifiques des phénomènes paranormaux, pour y voir un peu plus clair."
Ils m'avaient sollicitée pour leur parler des influences de la Lune et je leur avais préparé un diaporama. Ne pouvant le publier tel quel sur ce blog, je l'ai transformé en format word avec incrustation des diapositives en format jpeg. Je les publierai en plusieurs fois ici même. En voici les premières.
Il y a cinquante mille ans, l’homme gravait les premières étoiles sur des galets. Depuis, il ne cessera d’observer et d’essayer de comprendre. Dans la grotte de Lascaux, il y a 15 000 ans, les hommes ont peint le groupe d’étoiles des Pléiades au-dessus des cornes d’un taureau, ainsi que les phases de la Lune sous un cheval.
L’alternance nuit-jour, les mouvements réguliers de la Lune et du soleil, furent de tous temps utilisés pour établir les premiers calendriers, bien avant l’écriture. Mais si l’homme constate des régularités qui permettent de compter le temps, il n’en comprend pas les causes, et voudrait leur donner un sens. L’astrologie, en permettant une interprétation, introduisit un principe de causalité, et permit une vue sur l’avenir. Concernant les rapports de l’homme avec la Lune, le double mécanisme, croyance ancienne et intimité chaleureuse, s’il n’en est probablement pas la cause, renforce pourtant la pérennité des comportements superstitieux.
La Lune y tient une place importante parce que double : sa proximité la rend familière, quotidienne, rassurante, et en même temps ses changements d’aspect effraient. La Lune sert à scander le temps, elle a toujours été métronome des activités humaines, mais l’intimité qu’elle noue avec les hommes, et l’incompréhension de son fonctionnement ont été la source d’innombrables mythes qui perdurent. Et c’est, à mon sens, ce lien mythique fondateur qui retient l’astrologie dans nos cultures.
L’astrologie et l’astronomie sont nées ensemble, en Chaldée, entre le Tigre et l’Euphrate. L’observation du ciel a très vite appris aux hommes que des phénomènes (les phases de la Lune, les astres errants) se passaient dans le ciel. Les premiers astronomes de Chaldée, dix sept siècles av. J.-C., ont établi des prévisions d’éclipses très fiables, encore utilisées, le SAROS. Mais en même temps, ils ont aussi inventé les signes du zodiaque. Une corrélation fut repérée entre évènements célestes et terrestres (les crues du Nil en Egypte par exemple), il en fut déduit un contrôle des seconds par les premiers. La Lune au premier chef, étant la plus proche, la plus intime, la plus mystérieuse, mais aussi les planètes, des astres errants, et qui furent perçus comme les représentants de divinités célestes et en devinrent les interprètes.
Dix sept siècles avant Jésus-Christ, fut écrite la première œuvre littéraire : Enouma Elish, récit de création en Babylonie. La Lune y est présentée comme symbole de devenir et de précarité. Chaque nouvelle Lune est considérée comme une petite mort, et les êtres humains doivent s’efforcer de conjurer les maléfices, nombreux à cette période. Lune et Soleil sont souvent nés ensemble, que ce soit à Babylone il y a 3000 ans, au Mexique au XVI e siècle, ou chez les esquimaux qui présentent les deux astres comme frère et sœur. Les esquimaux sont toutefois les seuls à n’avoir pas associé l’image sombre et froide de la Lune à celle de la femme.
L’une et l’autre vécurent ensemble au plus fort des grandes découvertes, jusqu’à Kepler qui au début des années 1600-1610 installa les lois de la mécanique céleste, sans pour autant cesser d’établir des horoscopes pour des raisons alimentaires. Kepler a d’ailleurs savamment mélangé l’imaginaire et la science dans son ouvrage « Le songe ». Ce rêve est prétexte à un voyage sur la lune, loufoque, mais porteur de connaissances inédites à l’époque (absence de lever de terre sur la lune). Kepler n’était pourtant pas un romantique Certains auteurs comme Henriette Chardak, Philippe Depondt ou Guillemette de Véricourt pensent que Kepler, tout en étant critique vis-à-vis de l’astrologie, croyait en une influence de la lune sur la météo, mais pas sur le destin des hommes. Il se moquait des faiseurs de « prophéties ».
Au cours de la longue histoire des relations humaines avec les astres, persiste une image bipolaire, presque constante, celle d’un Soleil bénéfique et d’une Lune maléfique. Ajoutez à cela une image proche de la féminité, versatilité et précarité obligent, ainsi qu’une réputation à maîtriser les eaux, toutes les eaux, et vous avez là un portrait sexiste et vivace de l’astre de nos nuits, véhiculé par les bons soins de l’astrologie.