L’effet Darwin
Sélection naturelle et naissance de la civilisation
Patrick Tort
2008 - Éditions Seuil – Collection Science ouverte –
231 pages, 18 €.
« Darwin est un auteur que l’on cite, mais il est rarement un auteur que l’on lit. » (page 9)
Patrick Tort sait de qui il parle. Philosophe, historien des sciences, professeur au museum, il est aussi fondateur de l’Institut Charles Darwin International, une institution qui œuvre pour la compréhension de la théorie de Darwin.
Patrick Tort s’attache dans ce livre à réhabiliter la pensée de Darwin, une pensée qui a été déformée, interprétée. Il y eut le darwinisme social, l’abandon des plus démunis sous le prétexte que la nature faisait son travail, mais pas seulement. Il y a à présent le créationnisme, qui isole des phrases de Darwin pour les dévoyer et asseoir la religion. Le sens réel des écrits de Darwin est la plupart du temps à l’inverse exact de ce qui se propage, même en l’absence de toute intention discriminatoire. Il existe toujours une forme de pensée destructrice qui prétend que la loi du plus fort règne, et que cette loi, c’est celle de l’évolution. L’auteur veut réhabiliter la pensée humaniste de Darwin, en décryptant son ouvrage principal sur l’être humain La filiation de l’homme, où il développe l’idée que la sélection naturelle, si elle permet à l’organisme le plus apte de se reproduire, peut aussi sélectionner un avantage culturel en lui permettant de se répandre. C’est ainsi que la sélection a fini par isoler et autoriser la propagation des instincts sociaux qui assuraient la survie des groupes humains. Elle permet ainsila protection des plus démunis. L’installation des sociétés apparaît alors comme une inversion de la sélection naturelle, qui sélectionne graduellement… son contraire. Patrick Tort utilise pour illustrer son concept le ruban de Möbius, qui met en évidence les deux facettes d’un même objet, sans rupture. Pour développer son idée, l’auteur s’appuie sur les écrits de Darwin, sans jamais en isoler une phrase unique, mais en considérant tous les chapitres où il développe ses idées de civilisation.
La pensée de Darwin est on ne peut plus claire. L’interprétation qui en a été faite et continue d’avoir cours est due au fait qu’on ne lise jamais Darwin. On se contente trop de citations isolées, utilisées à des fins idéologiques. Ce livre est salutaire en ces temps de remise en question de l’évolution par quelques obscurantistes qui vont exploiter la méconnaissance du darwinisme.