La Lune était pleine…et rien ne se produisit.
Le mensuel Ciel et espace de juin 2008 reprend un article du magazine américain Sky & Telescope sur les pouvoirs supposés de la Pleine Lune. L’article vise à démystifier plusieurs idées reçues sur ces pouvoirs, comme l’excitation, la recrudescence des naissances et des accidents, la montée des crimes et l’augmentation des crises de démence. Le constat est simple : aucune étude n’a jamais pu montrer que tous ces phénomènes se produisaient plus fréquemment à la Pleine Lune. Quelques études ont montré au contraire qu’il n’y avait aucun pic particulier d’événements à cette période. Sont cités Ivan Kelly, professeur de psychologie pédagogique, et ses collègues, qui ont réalisé en 1986 une étude [Ref. : Kelly, Ivan; James Rotton & Roger Culver (1986), « The Moon Was Full and Nothing Happened : A Review of Studies on the Moon and Human Behavior », Skeptical Inquirer 10 (2): 129-43.] sur le nombre d’accidents de la route, ainsi que sur le nombre de meurtres commis, laquelle étude n’a pu dégager aucune corrélation. Ils ont pourtant interrogé les centres de secours, les hôpitaux psychiatriques, les urgences, en vain. Une autre étude, de Daniel Caton, astronome à Appalachian State University, a passé en revue 70 millions de naissances pour mieux les confronter aux dates de Pleine Lune [Ref. : Caton, Dan (2001). Natality and the Moon Revisited: Do Birth Rates Depend on the Phase of the Moon ?, Bulletin of the American Astronomical Society, Vol 33, No. 4, 2001, p.1371. A summary of the results of the paper.] Là non plus, aucun lien n’a pu être établi. Enfin, les travaux de Frédéric Chambat, qui a fait le même type de recherche sur 14,5 millions de naissances, mais en Europe cette fois-ci. Lui non plus n’a rien trouvé.
Alors pourquoi cette croyance est-elle si fortement ancrée ? L’auteur de l’article donne une explication sociologique : nous prêterions une attention précise aux événements qui sont accompagnés d’un fait notable. Il a bien raison : quoique très banale (au sens de « habituelle ») la Pleine Lune est pourtant un « fait notable », qui suscite l’attention de tous, qui attire toujours les yeux par sa majesté et sa grande présence lumineuse. Si on voulait la personnifier, on dirait d’elle qu’elle a du « charisme ». Le Petit Robert ne nous dit-il pas que le charisme est "un don particulier conféré par grâce divine" ? Nous y sommes...
Du coup, tout chose se déroulant alors qu’elle est visible prend une coloration « d’exception » et devient un mystère, une transcendance : une naissance sous la Pleine Lune, tout comme le meurtre ou l’accident, passent du statut de fait divers au statut d’effet supra-humain provoqué par la Lune. Le divin et l'astrologique sont passés par là ! Pourtant tous ces événements passent plutôt inaperçus quand nous ne voyons pas le grand globe sélène dans notre ciel. La vue provoque la croyance ! Cela vient sans doute de notre propension à ne pas aimer le hasard et à le transformer en déterminisme plus rassurant. Les naissances, ou les crises de nerfs, vont et viennent au hasard des phases lunaires, mais nous mettrons un soin particulier à retenir celles que la Pleine Lune aura marquées de son sceau. Avouez qu'elles seront plus romantiques.