L’astrologie est une activité de sorcellerie
Un article de Sportvox a entrepris de dénoncer les pratiques de magie du football. L’introduction est fort éclairante sur ce qu’on appelle « magie » de nos jours ! Lisez plutôt les deux premières phrases, révélatrices de notre classification de l’irrationnel dans notre société :
« Vous croyez à la sorcellerie ? Attention pas les médiums, voyants et autres astrologues permanentés : nous parlons bien des sorciers. Des mages, des jeteurs de sorts et autres thaumaturges adeptes de magie noire ou blanche, qui enfoncent des aiguilles dans des poupées, fouillent la terre des cimetières, éventrent des crapauds pour agir sur la réalité. »
Le lecteur est donc prié, avant toute considération, de ne pas se tromper sur les définitions qui ont cours et qui doivent être respectées : médiums, voyants et astrologues ne sont pas des sorciers. Pour ma part, j’ai bien du mal à faire une différence. Examinons donc succinctement le contenu de chaque discipline, et voyons quelle place on peut donner à l’astrologie.
Ø La sorcellerie pense pouvoir agir sur la réalité et utilise pour cela des objets fétiches - poupées à piquer ou sel à répandre - et les gestes rituels qui vont avec. L’objet est censé - et sensé - être doté d’un pouvoir et le geste autour de cet objet va lui donner « sens ». La sorcellerie est une pratique animiste.
Ø Le ou la médium pense pouvoir agir sur la réalité en pénétrant la pensée d’autrui, ou en contactant des morts, et s’appuie pour cela sur des rites et des objets - tables qui tournent et mains qui doivent se toucher. La médiumnité est une pratique animiste.
Ø Le ou la voyant(e) pense pouvoir agir sur la réalité en ayant un accès sur l’avenir - à l’aide de boules de cristal ou de cartes - et de gestes rituels autour de ces objets. L’objet est transmetteur d’informations sur le futur. La voyance est une pratique animiste.
Ø L’astrologie pense pouvoir agir sur la réalité en examinant les objets du ciel, en s’appuyant sur la position des astres, objets qui, de là-haut, influenceraient nos vies. Les rituels autour de ces objets sont l’établissement d’horoscopes et de thèmes astraux, sortes de cartes du ciel complexes destinées aux initiés. J’aimerais insister sur le mot « objets ». D’emblée il peut sembler moins approprié que pour la sorcellerie, la médiumnité ou la voyance, mais il est pourtant strictement le même. Une planète est en effet couramment appelé « objets » par les astronomes eux-mêmes, quand ils abordent la question générale de ce qui occupe le ciel. Une planète est bien un objet du ciel. Elle se compose d’éléments connus sur terre, comme les silicates pour les telluriques, ou le gaz hydrogène pour les géantes, ainsi que quelques autres gaz (comme le méthane découvert sur une lune de saturne). L’astrologie a donc bien ses objets fétiches et ses rituels d’analyse de thème. L’astrologie est une pratique animiste puisqu’elle attribue une « âme » à de simples objets.
À partir de là, on constate que trois ou quatre points communs parcourent nos trois disciplines, les faisant se ressembler furieusement : des objets dotés de pouvoir, des gestes répétitifs et réglés, un accès privilégié à l'invisible, et une méthodologie ne faisant appel qu’aux témoignages humains, au mieux à des statistiques biaisées. L’astrologie n’est donc qu’une activité de sorcellerie.
Pourquoi bénéficie-t-elle alors d’une exception dans le paysage paranormal ? Quelques pistes :
- Par rapport à la sorcellerie, l’astrologie sent moins le soufre, puisqu’elle ne paraît pas exercer de mauvaises intentions envers autrui, ce qui caractérise la plupart des pratiques de sorciers ou sorcières, et qui a fait sa réputation malfaisante.
- L’astrologie a pris appui sur une science, l’astronomie, ce qui l’a aidée à se forger une crédibilité. Encore de nos jours, la plupart d’entre nous, dans la conversation courante, commettons le lapsus entre les deux termes « astrologie » et « astronomie ».
- Ses objets sont suffisamment lointains pour que leurs pouvoirs supposés restent invérifiables.
- Une étrange accréditation, récente, par une communauté de scientifiques (thèse d’Elisabeth Teissier en 2001) a fini d’asseoir l’astrologie au rang de discipline respectable.
L’assise culturelle est donc forte, indéracinable, du moins c’est ce que je crois quand je suis pessimiste. Ce ne sont que des pistes de réflexion. Il y en a probablement tout un faisceau d’autres.
Illustration de José Tricot.