Sarkozy est-il comparé à Napoléon III parce qu’il est petit ?

Sarkozy n’est pourtant pas le premier à avoir été dépeint comme un dictateur. François Mitterrand, dans un ouvrage de 1964 appelé Le coup d’état permanent, a comparé de Gaulle à Napoléon III par son autoritarisme et sa manipulation de la République. Extrait : « J'ai voté contre la Constitution de 1958 parce qu'elle exprimait un fâcheux contexte politique. De l'auteur d'un coup d'État, il me paraissait vain d'attendre les scrupules d'un légiste. J'apercevais sur la patte blanche que les conjurés victorieux exhibaient la trace mal lavée d'une sale besogne salissante. [...] Je pressentais que la Constitution, au même titre et au même rang que la conspiration, ne serait pour eux qu'une étape dans la voie qu'ils s'étaient tracée. » Si ne figurait l’année 1958, on pourrait y reconnaître Napoléon III, qui passe de président à empereur grâce au coup d’État de 1851. Je me demande si un peu de l’héritage napoléonien – plus ou moins lourdement dosé - ne se retrouve pas dans chacun de nos dirigeants, quelle que soit son obédience politique. Changement de dosage mais pas de nature….
Par ailleurs, dans son pamphlet, Hugo se plaint de la liberté de la presse muselée, dans le Livre deuxième « Le gouvernement », chapitre V : « Et la liberté de la presse ! Qu’en dire ? N’est-il pas dérisoire seulement de prononcer ce mot ? Cette presse libre, honneur de l’esprit français, clarté de tous les points à la fois sur toutes les questions, éveil perpétuel de la nation, où est-elle ? ».
Il est vrai que la presse eut à subir un nouveau tour de vis de la part de l’empereur qui interdit Madame Bovary de Flaubert, Les fleurs du mal de Baudelaire, et De l’Allemagne de madame de Staël. Des journaux satiriques disparurent comme La Lune, où officiait le dessinateur Gill, auteur de la première « Anastasie », mégère armée de ciseaux, symbole de la censure. Il fera apparaître sa première Anastasie en 1874.
En 1915 Le canard enchaîné reprendra l’image et y ajoutera un canard enchaîné à qui Anastasie veut couper les ailes. La censure n’a pas attendu Napoléon III pour se déchaîner. C’est Napoléon 1er qui fut le plus virulent contre les journaux : il a fait disparaître 60 journaux en 1800 et en a interdit la création de nouveaux. Il installa un « bureau de l’esprit public » relié à la police et devant diriger les journaux parisiens. Une « administration censoriale » surveillait les livres (160 livres saisis entre 1800 et 1810). Dans un numéro spécial Les dossiers du Canard enchaîné consacré aux « Nouveaux censeurs » (septembre 2007), on peut lire, au chapitre « L’histoire de la censure à partir du premier coup de ciseaux » : « Question censure, personne n’a fait mieux dans notre beau pays. Derrière lui, les feuilles de chou ne repoussent pas. Napoléon 1er contrôle impérialement imprimeurs, libraires et écrivains. ».

Je suis donc étonnée de la phrase de Hugo, qui semble regretter une liberté perdue… Il est vrai que 3 ans avant le coup d’état, en 1848, une liberté nouvelle était née, accompagnée d’une explosion aussi belle que éphémère de journaux nouveaux (300 en quelques mois). L’embellie fut de courte durée. Napoléon III remit vite les censeurs à la mode. Il faudra attendre 1881 et la loi sur la liberté de la presse pour que le carcan se desserre largement. Et ce n'est qu'après 1881 que la presse libre fut l’honneur de l’esprit français.
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Illustrations : timbre de Napoléon III sur le site Wikipédia, Anastasie sur le site Encres vagabondes (liens en cliquant sur les images).
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Illustrations : timbre de Napoléon III sur le site Wikipédia, Anastasie sur le site Encres vagabondes (liens en cliquant sur les images).